
Mars Jaune VS Mars Bleu : mars n’est pas une compétition !
#STOP compétition Mars Jaune / Mars Bleu
Déontologie et éthique des pharmacien·nes
Quand nous avons exposé notre souhait, en tant qu’association de patient·es engagé·es en endométriose, de rendre visible la maladie au mois de mars, nous avons reçu un argumentaire douteux de la part d’un pharmacien :
« Mars, c’est le mois du cancer colorectal. C’est Mars Bleu et c’est plus important que Mars Jaune. L’endométriose, avec Mars Jaune, met dans l’ombre le cancer colorectal, qui tue, contrairement à l’autre maladie. De plus l’endométriose ne touche que les femmes, alors que le cancer colorectal touche les femmes, et plus encore les hommes. On ne sensibilisera donc pas à l’endométriose. Ce n’est pas une maladie mortelle.«
Hiérarchisation des maladies. Sexisme et misogynie. On en est là ? Vraiment ?
Le Conseil national de l’Ordre des pharmacien·es a un code de déontologie. Il s’impose à tous·tes les pharmacien·es et sociétés d’exercice en libéral. Surtout, le code de déontologie confère des droits mais aussi des devoirs aux pharmaciens. Le code de déontologie figure aux articles R. 4235-1 à R. 4235-77 du code de la santé publique. La méconnaissance par le·a pharmacien·nes de ces règles peut être sanctionnée par les chambres des disciplines des conseils de l’Ordre.
En prononçant le serment de Galien (ci-dessous), le·a futur·e pharmacien·e s’engage devant ses pairs à respecter les valeurs de sa profession et à exercer au service de la santé publique.
Le code de déontologie fixe les règles et devoirs qui guident le·a pharmacien·ne dans l’exercice de sa profession au service des patient·es. Ainsi, le·a pharmacien·e s’engage à ne « jamais oublier sa responsabilité et ses devoirs envers le·a malade et sa dignité humaine« .

« Le·a pharmacien·e exerce sa mission dans le respect de la vie et de la personne humaine. » / « Les pharmacien·es ont le devoir d’actualiser leurs connaissances. » [Pour aller plus loin, téléchargez le « Code de déontologie du Pharmacien commenté » de 2013.]
Ces deux articles inscrits au code de la santé publique sont sans appel. Tout d’abord, tout·e pharmacien·ne doit respecter les malades, peu importe leurs pathologies. Cela exclut de fait les propos hiérarchisant les maladies, les souffrances et les douleurs des malades. Ensuite, un·e pharmacien·ne au fait des connaissances en matière de santé des personnes menstruées ne se permettrait pas de minimiser une maladie comme l’endométriose, qui touche 1 à 2 femmes (ou personnes nées avec un utérus) sur 2 dans le monde, qui est systémique, invalidante, handicapante et pour laquelle il n’existe à ce jour aucun traitement curatif.
Cancer colorectal
Premièrement, le cancer colorectal (ou cancer du côlon et du rectum) est un cancer du gros intestin qui peut être guéri s’il est détecté précocement. Il est guéri 9 fois sur 10. Cependant, c’est un cancer grave. Il est la deuxième cause de mortalité par cancer après celui du poumon. C’est pourquoi le dépistage joue donc un rôle essentiel. Le mois de mars est le mois dédié à la prévention et au dépistage du cancer colorectal en France.
Deuxièmement, en 2023, on estime à environ 48.000 le nombre de nouveaux cas de cancers colorectaux par an, dont 26.000 chez les hommes et 21.000 chez les femmes.
Enfin, le symbole de cette maladie est le ruban bleu, également utilisé pour la fibromyalgie et le FSC (Syndrome de Fatigue Chronique)

L’endométriose ne tue pas …
Si l’endométriose n’est pas une maladie « mortelle », ses conséquences peuvent être très graves : pneumothorax, péricardite, tentative de suicide, dépression, occlusion intestinale, stomie, hémorragies, perte de son emploi, extrême solitude, errance diagnostique et médicale, effondrement de la vie sociale, ruptures amoureuses et familiales, etc.
Dans de rares cas, l’endométriose peut tuer : Koikai Jahmbi est décédée à l’âge de 38 ans des suites d’une endométriose.
Les maladies chroniques « non mortelles » impactent très gravement les malades et leurs aidant•es, tout comme les cancers ou les autres pathologies qui peuvent engager le pronostic vital d’une personne. Pour résumer, la réalité n’est pas aussi binaire. Elle est complexe.
Une maladie chronique peut être grave, invalidante, handicapante. C’est le cas pour : l’endométriose, l’adénomyose, la fibromyalgie, le syndrome d’ehlers danlos, les algies vasculaires de la face, etc.
Des personnes témoignent suite aux propos de ce pharmacien
« L’endométriose peut tuer : une hémorragie suffit. Ça me rend furieuse d’entendre encore des propos pareils sur fond de hiérarchie des maladies… C’est pas une compétition, loin de là. On devrait juste se serrer les coudes, peu importe la maladie ou le handicap, tout le monde est légitime.«
Laure
« J’ai de l’endométriose et de l’adénomyose. Les douleurs continuelles, la fatigue chronique, le mode de vie chamboulé, etc. Tu as souvent envie de mourir. L’endométriose, ça tue à petit feu.«
Aurore
« L’endométriose peut tuer. J’ai fait deux tentatives de suicide en raison des douleurs, de la dépression engendrée et des multiples problèmes que ça m’a causé. Donc, certes c’est « moins stressant qu’un cancer », mais ça reste une pathologie potentiellement très grave.«
Mathilde
« L’endométriose peut être très grave. Elle peut créer, déclencher des pneumothorax à cause des lésions pulmonaire, des pylonephrites avec les lésions sur les uretères, etc. L’endo peut aussi cacher d’autres pathologies comme un cancer. D’ailleurs les personne atteintes d’endo ont plus de chance d’avoir un cancer, des fibromes… «
Holly
« Combien de fois ai-je voulu mourrir tellement les douleurs étaient atroces (crise d’endo) ? Elles sont si nombreuses que j’ai arrêté de compter. J’ai eu une rupture de kyste endométriosique suivi d’une très importante hémorragie interne. À 30 minutes près, j’y passais ! Je suis restée plusieurs semaines à l’hôpital avec des drains dans le ventre.«
Marise
« Il y a une telle méconnaissance de l’endométriose. J’ai l’impression que nombreux•ses sont celleux qui veulent que cette maladie ne fasse pas trop parler d’elle, car nous ne sommes que des « faibles ». Mais on est là et on ne restera pas silencieux•ses. On continuera à se soutenir les un•es les autres.On pourrait aussi combiner Mars Jaune et Mars Bleu, ça ferait MARS VERT !«
C.B.
Questionnements et conclusions
Dans les faits …
En France, depuis 2004 le mois de mars est consacré à l’endométriose. La campagne de sensibilisation au dépistage du cancer colorectal apparaît en 2008.
L’endométriose touche 1 à 2 personnes sur 10 (femmes, personnes menstruées, nées avec un utérus). Le cancer colorectal touche 1 personne sur 20.
1% seulement des financements sont consacrés à la recherche scientifique et à l’innovation est consacré au niveau mondial à la santé des femmes et des personnes menstruées (alors que nous représentons plus de la moitié de l’humanité). De nombreuses maladies où les femmes sont surreprésentées restent sous-étudiées, faute de financement. [Pour aller plus loin « La santé des femmes est-elle une affaire rentable? »]
Questionnements
- La compétition entre deux pathologies fait-elle sens que ce soit pour les professionnel·les de santé ou les malades ?
- Les différentes campagnes de sensibilisation concernant les problématiques de santé ne peuvent-elles pas cohabiter ensembles ?
- Peut-on hiérarchiser les souffrances, les douleurs, les difficultés liées aux différentes pathologies ?
- Une douleur est-elle plus légitime de part son origine (maladie auto-immune, cancer, dérèglement du système central et/ou périphérique de la douleur, maladie hormono-dépendante, douleurs psychogènes, dysménorrhées, etc) ?
- Ces réflexions sur Mars Jaune sont-elles entendables de la part d »une présidente d’association d’endométriose (si, si, on l’a vu !) et d’un pharmacien d’un professionnel·le de santé ?
Et bien NON ! Cela n’est PAS acceptable. C’est dangereux et délétère. Ces pratiques ne font aucun sens et n’aident ni les malades, ni leurs proches, ni les campagnes de sensibilisation en santé publique.
Être un·e professionel·le de santé, n’est ce pas se mettre au service de tous·tes les malades peu importe leur sexe, leur genre, leur maladie, leur âge, leur origine ? N’est-ce pas repousser toutes les injonctions et les discriminations pour être véritablement au service de l’humain ?
Dans le cas qui nous intéresse ici (le pharmacien), ce qui est flagrant, c’est :
- La misogynie intégrée ;
- La méconnaissance des faits et des chiffres des maladies ;
- Le manque d’empathie, de bienveillance et de savoir-être envers les malades ;
- La suffisance du « sachant » face à celleux qui ne sont pas « censé·es savoir » ;
- La volonté d’opposer et de comparer les maladies entre elles ;
- Le refus de sensibiliser à une pathologie sous prétexte qu’elle serait « moins grave » qu’une autre.
Cohabiter les un·es avec les autres
Nous pensons que plusieurs campagnes de sensibilisation peuvent se tenir au même moment. Elles peuvent cohabiter ensemble. Il y a de la place pour toutes les maladies et tous les handicaps.
Nous refusons toute hiérarchie entre les souffrances et les douleurs des malades. Tous·tes les maladies sont légitimes … peu importe les chiffres et les statistiques ! Tous·tes les personnes sont légitimes … peu importe leur genre, leur identité ou leur expression de genre.
Ensemble, avec SFENDO, pour plus d’inclusivité, d’empathie et de bienveillance !



















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